Banques et immobilier : Les liaisons dangereuses

Marketing Décembre 2008

MOTS CLES : Banques | Prise de participation | Crédit
Banques et immobilier : Les liaisons dangereuses

Depuis quelques années, les banques françaises se sont emparées du marché immobilier, via la transaction ou la gestion de biens. Se créent alors des regroupements entre acteurs de l'immobilier et secteur bancaire. Dérangeantes pour certains, ces concentrations permettent aux clients d'accéder à plus de services et à une expertise plus poussée. Quelles sont les conséquences sur le secteur et sur le métier d'agent immobilier ?

Une réelle mainmise

De fait, les banques gèrent l'ensemble de la chaîne immobilière. Le client d'une banque peut acheter son bien, le financer, l'assurer, le faire gérer et acheter d'autres produits financiers ou d'assurance. Une étude de 280 pages menée par PRECEPTA, du Groupe XERFI, et intitulé « L'offensive des groupes bancaires dans la filière immobilière » revient sur cette nouvelle donne. « Les établissements engagés dans ces grandes manoeuvres cherchent en effet des relais de croissance. Trois métiers cibles ont pour l'heure été privilégiés par les banques : la transaction, l'administration de biens et la promotion, résume Sabine Grafe, la directrice d’études. Leur choix est dicté par l'opportunité de mener des stratégie de build-up en reconfigurant des structures sectorielles parfois très atomisées, voire archaïques ». L'étude revient également sur les raisons de cette mainmise, au nombre de deux : « soit une stratégie industrielle de diversification et/ou une logique purement financière de recherche de synergies de revenus ». Dans les deux cas, «en investissant la filière, la plupart des groupes bancaires cherchent à capter les clients en amont du financement tout en se donnant également la possibilité de rebondir sur d'autres offres pour rentabiliser le crédit à l'habitat dont les marges sont écrasées », explique Sabine Grafe.

Une plus-value pour certains réseaux

Certains réseaux immobiliers se revendiquent comme indépendants, d'autres au contraire se reposent sur les banques. En effet, dans leur quête immobilière, les banques ont transmis aux réseaux ou promoteurs immobiliers leurs acquis. Elles disposent, selon cette étude, de « trois grands facteurs-clés de succès qui doivent leur permettre d'améliorer les performances et des services immobiliers dont elles prennent le contrôle ». Le premier est leur savoir-faire technologique dans l'industrialisation des process. Deuxièmement, elles sont à la tête de réseaux puissants et mobilisateurs. « Ces réseaux ouvrent par ailleurs l'accès à des portefeuilles de clientèles captives considérables ». Enfin, elles ont l'opportunité de mettre en place des synergies commerciales via la construction d’offres conjointes et la systématisation des ventes croisées. Avec pour objectif : valoriser les différents portefeuilles clients dans un jeu qui se veut gagnant-gagnant. Ainsi, plus qu'une participation dans l'actionnariat de certaines réseaux ou promoteurs immobiliers, les banques transmettent leurs acquis et leurs expériences dans le service à l'immobilier.

Une concentration qui dérange certains professionnels

La concentration de services que proposent les banques peut déranger. « Dès lors qu'il y a une diversité d'offre de services dans une même structure, il y a une grande possibilité de certaines actions inappropriées voire contradictoires. Quand le développement de l'immobilier et les autres services sont mêlés au financement de la propriété, il peut se créer une situation équivoque et dangereuse, pense Jean-Pascal Dutto, président de RE/MAX France. Je ne suggère certainement pas que les établissements français puissent ou aient pu conduire des activités illégales, mais je me souviens de ce que me répétait souvent ma mère, « ne te mets jamais dans l'opportunité de pêcher...»
Chez RE/MAX, nous avons la fierté de chercher à trouver la meilleure option pour chaque acheteur. RE/MAX est totalement indépendant et par code d'éthique, nous exigeons de nos franchisés ainsi que de leurs équipes commerciales qu'ils proposent au moins trois sociétés de financement à leurs acquéreurs ».

les acquis des établissements bancaires

Toujours selon l'étude de PRECEPTA, « l'apport de capitaux bancaires, d'un savoir-faire de gestion des réseaux et la mise en place de synergies doivent permettre d'améliorer la rentabilité». En clair, une agence immobilière dépendante d'une banque peut se reposer sur les acquis de cette dernière. L'étude propose des solutions, ou leviers d’actions devenus prioritaires, pour que chaque métier de l'immobilier puisse être rentable. « Pour les administrateurs de biens, cela passe par l'accroissement des volumes, l'optimisation de la gestion de la trésorerie, voire le développement d'une activité de transaction... Pour les agences immobilières, par l'amélioration de la pénétration du marché des particuliers, la mise en commun des moyens, voire le développement d'une activité d'administration de biens plus récurrente. Pour les promoteurs, par l'élargissement des réseaux de distribution et la réduction des coûts liés, la démultiplication des moyens d'origination du foncier. »

Conclusion de l’étude : « Face à ces impératifs, l'adossement aux groupes bancaires trouve tout son sens ». Aujourd’hui, l’attitude des banques, leur frilosité à accepter les crédits, a changé selon Patrick-Michel Khider et Bernard de Crémiers, de Laforêt Immobilier. « Les banques, dont la frilosité avait atteint son maximum durant l'été, sont revenues, depuis le mois de novembre, à des pratiques commerciales plus conformes. Trois raisons à cela : un banquier qui n'accorde pas de crédit à son métier de base, est à terme condamné ; le gouvernement exerce sur elles une très forte pression ; la BCE (Banque centrale européenne) a déjà baissé par deux fois son taux directeur ». Les banques ont donc plus que jamais en main le futur du secteur immobilier, dans les deux sens du terme.


Pourquoi une offensive bancaires ?

Les banques françaises ont investi dans le secteur au moment où l'immobilier se portait comme un charme, en fin de cycle. Ces 10 dernières années, la hausse des prix a été ininterrompue. Les prix ont progressé de 140%. Selon une étude Xerfi∗ menée par Precepta, les banques ont investi dans la communication et le marketing afin de rentabiliser le secteur immobilier. « Un travail profond sur la communication et le marketing doit permettre de redresser une image de marque souvent défavorable, de constituer des marques fortes et respectées, d'élargir la gamme de produits et services tout comme la cible de clientèle ».
Malheureusement, aujourd’hui, la crise financière a changé la donne. Début novembre, Ataraxia, la filiale du Crédit Mutuel, précurseur en 1999, s'est retiré du capital d'Avis-Immobilier. La marque a été rachetée par 5 franchisés historiques, jusqu'alors actionnaires minoritaires. La confiance dans les banques est au point mort. Pour les particuliers, mais aussi pour les professionnels de l'immobilier pour qui les banques sont en partie responsables de la crise financière.
« L'immobilier étant régi par des cycles de sept à huit ans, c'est en réalité deux ans plus tôt que le coup d'arrêt aurait dû intervenir. L'échéance a été retardée par les établissements financiers qui, à partir de 2006, ont soutenu artificiellement les prix, à la fois en allongeant la durée de remboursement du crédit, jusqu'à 40 ans, et en proposant des taux attractifs, analyse Patrick-Michel Khider et Bernard de Crémiers, co-président fondateurs de Laforêt Immobilier.
Se livrant une concurrence farouche pour conquérir de nouveaux clients, les banques n'ont, de même, pas hésité à sacrifier leur marge et à faire preuve de souplesse dans l'acceptation des dossiers qui leur étaient soumis. Même si les marchés immobiliers américain et français n'ont strictement rien de comparable, les liens étroits qu'entretiennent les établissements financiers au niveau mondial ont obligé, en revanche, les banques françaises, quasiment du jour au lendemain, à réduire considérablement leurs crédits aux particuliers. Ce virage à 180 degrés a perturbé en profondeur la vision financière des acquéreurs ».

∗Etude: "L'offensive des groupes bancaires dans la filière immobilière"

imageLes satellites immobiliers
des banques

BNP Paribas : Création d’un pôle spécialisé

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BNP Paribas Immobilier, en 2001 Intégration du pôle gestion d’actifs et de services en 2004. Klépierre et ses filières restent indépendantes de tout pôle. Acquisition d'Atisrea, acteur spécialisé dans le conseil en immobilier d’entreprise, en 2004. Pôle articulé autour de 4 activités phares : « transaction, conseil et expertise », « property management », « promotion » et « asset management ».

Banque Populaire : Pas de création d’un pôle dédié

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Acquisition de Foncia, numéro 1 de l'administration de Biens, en 2007 et rattaché directement aux Banques Populaires. Quatres métiers phares du secteur : la gestion de copropriété, la gestion locative, la location et la transaction. Initiatives au niveau local de certaines banques populaires : l'administration de biens, le conseil, des prises de participation dans la promotion. Exemple de la Banque Populaire Val de France, l'une des plus actives dans le secteur de l'immobilier.

Caisse d'Epargne : Reprise du crédit foncier en 19999

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Structuration d’un pôle immobilier. Création du « nouveau » Lamy avec la fusion de Gestrim et Lamy. Rapprochement avec Nexity (Century 21, Guy Hoquet L’Immmobilier, Arthur l’Optimist et Keops). Reprend le courtier en ligne Meilleurtaux en 2007, Entre au capital de Maisons France Confort en 2007.

Crédit Agricole – LCL

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Pôle immobilier intégré Rachat du promoteur Monné-Decroix en 2007. A l'international aussi, Crédit Agricole Immobilier Square Habitat, réseau d'agences immobilières constituées par les Caisses régionales.

Société Générale – Crédit du Nord

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Du côté de la Société Générale, Financement et promotion immobilière. Aucun pôle dédié mis en place. Filiale de promotion immobilière, Sogéprom, créée en 1972. Du côté du Crédit du Nord : Deux filiales : Norbail Immobilier (crédit-bail immobilier) et Norimmo (marchand de biens et promotion immobilière).

SOURCE : Precepta, groupe Xerfi, Janvier 2008

Comment écouler plus facilement des crédits

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«Aujourd’hui, le constat est que les banques ont racheté des promoteurs, qui ont eux-mêmes rachetés des agences immobiliers ou ont une prise de participation dans des réseaux. Nous avons déjà vécu cela dans les années 80, pendant la Guerre du Golfe. A chaque période de fin de cycle, les banques ont fait de la promotion immobilière. Les banques n'ont pas vocation à faire de la transaction immobilière. Si elles se sont mises dans ce créneau, c’est uniquement pour écouler plus facilement leurs crédits car elles sont malmenées par la concurrence des courtiers. Je ne suis pas sûr que le secteur du crédit marche pour les banques. Nous, les agences, on ne finit pas de travailler à 18 heures. On sait que les affaires sont actuellement compliquées pour certains. Nous allons voir comment se comportent les banques ».

Hortense des Dorides

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